La Lettre de PALO ALTO

L'apport de la Systémique paradoxale

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Qui a peur des questions fermées ?

 

 

 

Un préjugé défavorable

 

Les questions ouvertes, elles, sont souvent recommandées ...

Dans l'ensemble des formations à la communication ou encore dans beaucoup de formation au coaching, la recommandation générale est de privilégier les questions ouvertes : elles facilitent l'expression, respectent la pensée de la personne et son cheminement, permettent d'approfondir.

            Exemple : quelle est votre lecture de cette situation ?

 

En revanche, les questions fermées, elles, seraient limitantes

Les questions fermées sont perçues comme d'un intérêt limité : utiles pour simplement valider une idée, cadrer, ou obtenir un accord.

            Exemple : c'est votre premier poste ?

 

Elles seraient également suggestives ?

Les questions fermées sont d'autant moins appréciées qu'elles peuvent être souvent confondues avec les questions suggestives. 

Or c'est très différent. Les questions suggestives sont en effet fermées.

            Exemple : Tu as pensé à faire un recadrage ?

Mais une question fermée n'est pas nécessairement suggestive.

            Exemple : Et Martin te paraît compétent ?

 

La crainte d'influencer

A cette réserve envers les questions fermées peut s'ajouter le souci de ne pas influencer la personne autant que possible.

Carl Rogers, avec l'écoute active, a donné l'exemple d'une pratique d'échange visant à donner la plus grande liberté à l'interlocuteur pour qu'il élabore sa propre pensée.

De même, pour ne pas influencer, on a vu apparaître le "Clean language", méthode d'échange étonnante qui ne veut utiliser que le langage même de l'interlocuteur et ne pas du tout introduire les schémas de pensée de l'interviewer.

 

 

Et si les questions fermées jouaient un rôle majeur ?

 

Or on est là pour influencer...

Nous pensons à la situation où un client sollicite l'aide d'un intervenant.

S'il demande de l'aide, c'est bien qu'il demande à être influencé, n'est-ce pas ?

(Cf Watzlawick : "On ne peut pas ne pas influencer")

 

Bien sûr tout est dans la différence entre :

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- une aide qui fait avancer et même qui libère, dans le respect des choix du client

- et une aide qui manipule ou qui exerce une emprise.

On sait qu'il existe des techniques de questions fermées qui poussent le client dans "l'entonnoir".

            Exemple : Donc ce produit vous serait bien utile. Préférez-vous être livré lundi matin ou           mardi après-midi ?

Ici, manipuler, c'est faire l'impasse des étapes préalables d'accord.

Mais si on les respecte, il n'y a plus manipulation mais avancée utile.

Exemple : Donc ce produit répond à votre besoin ? - Oui en effet

Souhaitez-vous l'acquérir ?  - Eh bien oui

Livré semaine prochaine ? - Hmm, oui parfait

Entendu. Préférez-vous être livré lundi matin ou mardi après-midi ?

 

Dans ce simple exemple, on voit déjà que les questions fermées :

- respectent l'autonomie du client

- respectent les étapes en questionnant le client "là où il en est".

- créent un mouvement dynamique et responsabilisant.

 

En systémique paradoxale, nous sommes bien là pour influencer. Mais influencer pour que le client se clarifie, se régule ou encore se décoince. Il retrouvera ainsi plus de liberté. Ensuite, la direction qu'il veut prendre, le choix de ses objectifs, c'est son affaire, pas la nôtre. 

 

Dans cette optique, les questions fermées apportent une influence précieuse par leur effet clarifiant ou recadrant.

Regardons.

 

Donner leur place aux questions fermées.

 

Voici une série d'exemples montrant comment la question fermée peut créer une dynamique dans l'échange.

 

Sortir du flou

"Je n'ai pas bien compris : Nicolas est hiérarchique ou pas dans la situation ?"

 

"Tu n'es pas emballée par la candidature de Lambert :  tu es hésitant ou plutôt réservé ?

On voit une invitation à parler avec clarté

 

Ouvrir des routes, des champs de réflexion

"Tu dis que le mode de relation avec ton N+1 est devenu insupportable. Et... tu veux

changer toi-même ou changer ton N+1 ?"

 

Clarifier une pensée, faire regarder de plus près

"Tu dis que tu as trop peu de chantiers Codev : parce que tu n'en proposes pas ou que tu les proposes sans succès ?"

 

Clarifier un raisonnement

"Oui, dit le DG, la formation management a bien fonctionné, je vous en félicite. Et justement je voudrais qu'on aille plus loin maintenant : lancer un projet d'entreprise.

            - Donc vous pensez à un projet d'entreprise ...et dans votre esprit c'est un objectif ou c'est un moyen ?

(Confondre objectif et solution est tellement fréquent dans les demandes)

 

Faire expliciter

- Travailler avec Jacques ne me va pas du tout 

- Parce que c'est désagréable ou parce que c'est inefficace ?

 

Savoir si le client est client. L'inviter à se positionner clairement

"Un coaching, c'est du budget et des efforts : vous pensez que ça vaut le coup de faire cet investissement pour cette situation ?"

(Tout est dans le ton qui doit être juste intéressé, curieux, sans a priori)

 

Faire réfléchir aux hypothèses

- Suis furieux, mon collègue a planté notre réunion

             - Tu penses que ton collègue l’a fait exprès ou pas ?

 

- Je n'arrive pas à démarrer le projet

            - Tu es bloquée ou tu hésites ?

 

- Je ne trouve pas de job

            - Tu penses que le problème vient de toi ou du marché ?

 

- J'ai intégré une équipe de consultants internes depuis 2 ans. J'ai du mal à me sentir légitimée et à avoir leur confiance.

- Tu penses qu'il y a un dysfonctionnement chez toi ou chez eux ?

- et cela pose un problème surtout de confort relationnel ou d'efficacité ?

 

Emmener la pensée plus loin, mettre des mots, faire expliciter

 - Quand tu dis que ton collaborateur te paraît « très fragile » dans cette situation, tu veux dire : risque de se sentir blessé ou risque d’arrêt de travail ? 

 

Mettre au pied du mur

- Je trouve l'ambiance de cette entreprise, comme celle de mon service, totalement épouvantable.

            - Ah...ça veut dire soit supporter, soit partir ?

(Oui il y a sans doute d'autres options, mais le client va soudain se positionner : veut il agir ou pas ? Et on n'a pas d'avis là-dessus)

 

- Je suis expert du produit, et en plus j'adore ce produit. Je voudrais le promouvoir vraiment, devenir commercial...mais j'ai toujours peur d'importuner les gens.

            - Ah !... donc soit importuner ... soit renoncer ?

(On stoppe l'illusion de la solution latente "Père Noël", et le client regarde le choix en face)

 

 

 

Et si la question fermée donnait du pouvoir au client ?

 

Faire prendre position, mettre au pied du mur, montrer la limite de choix, appeler un chat un chat, faire expliciter une pensée, tout cela exerce de fait une influence.

 

On peut noter que la question fermée à même un effet "recadrant" au sens de faire voir autrement, ouvrir des pistes, susciter un positionnement nouveau.

 

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Toutefois notons que l'intervenant n'impose pas sa pensée et que bien au contraire il invite le client à regarder sa propre pensée, et découvrir sa propre "vision du monde".

 

Avec cependant cette précaution : ne pas sauter les étapes du raisonnement, mais bien poser la question au niveau où le client s'interroge. Ce qui demande une belle qualité d'écoute et de compréhension.

 

Au final, la question fermée peut donner du pouvoir au client : le pouvoir de regarder clairement ses choix et de choisir, de prendre position, de franchir des étapes.

 

 

 

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Dominique Delaunay

Centre de Systémique paradoxale