Ralentis !

Emma est cliente dans un "Atelier systémique".

Cela ressemble à une séance de Codéveloppement, avec 5 fortes différences :

- Les participants découvrent à mesure des séances les outils du Regard systémique

- De ce fait les séances sont moins dispersées et le cœur de séance, sur la situation, ne dure que 2 heures

- On ne veut pas solliciter une "demande" du client, qui risque toujours de nous enfermer ainsi que de bétonner la vision du monde du client.

- Il y a des pauses de réflexion, ce qui est utile si l'on veut que tous progressent dans les capacités de réflexion

- Les apports ne sont pas des brainstormings de suggestions mais des aides à la réflexion, y compris des aides à voir autrement.

L'exposé de la situation

Je suis Emma, je travaille au sein d'une direction technique, dans une grande entreprise. De compétence technique au départ, j'ai finalement créé mon poste autour de l'accompagnement humain, avec l'appui du directeur.

En fait je pratique le codéveloppement, la facilitation, et le coaching au sein de cette direction.  C'est dense, pas besoin de publicité interne. Et maintenant c'est accepté aussi par le nouveau directeur. 

Je suis quelqu'un qui a beaucoup d'activités, même en dehors de l'établissement. Je travaille le soir, je participe à un cours de dessin, je fais de l'accompagnement solidaire. Bref il me faut de la suractivité sinon je m'ennuie.

Je peux me sentir impatiente par rapport à des gens mous, ce qui n'est pas excellent quand on veut avoir des compétences d'accompagnement. Cela fait désordre.

Récemment j'étais en supervision de coaching. A deux occasions, le superviseur m'a dit : " Ralentis !". 

L'affiche

Alors sur mon affiche il y a écrit : "Ralentis"

L'exploration

J'essaye de ralentir. C'est difficile. Il faudrait que je sois plus posée. Souvent on me le dit.

Exemple 1 : Je suis censée faire rentrer 110 personnes dans une grande salle pour une conférence. L'une d'elles, importante, s'arrête et me pose des questions de détails. Or il faut que ça avance. Je lui dis soudain avec énervement : "Rentre, rentre". Et ça ne lui a vraiment pas plu.

Exemple 2 : je participe à une séance de codéveloppement. Une question nous égare ou nous retarde. Je coupe, et je pose ma question. J'ai l'impression de bousculer.

Exemple 3 : J'attends impatiemment mon tour pour intervenir, lors d'une supervision de coaching. Quand mon tour arrive, j'y vais. Quelqu'un alors se réveille pour prendre la parole et j'ai dit brusquement "Ah non, c'est mon tour". C'est là que le superviseur me dit "Ralentis", ce qui en effet est utile lorsqu'on veut accompagner.

Dans ma vie personnelle c'est pareil, je ne sais pas me poser, je ne sais pas ne pas réagir. On me le dit souvent. En réunion, j'ai souvent une jambe qui s'agite...

Et en tant que "bébé coach" j'ai beaucoup à apprendre.

C'est vrai que j'ai souvent l'impression que les autres procrastinent. Je ne veux pas envoyer bouler les gens mais me soucier de leur bien-être. 

Et donc garder mon poste.

Mon objectif est de me maîtriser.

Je constate que souvent les autres procrastinent. J'ai besoin que ça avance.

Aujourd'hui j'essaye de ne pas réagir. Je suis triste de ne pas bien y arriver. Parfois je me sens nulle.

Les précisions sur l'exploration

Après réflexion, on s'aperçoit qu'on n'est pas sûr d'avoir compris le problème, en quoi c'est un problème ...

On découvre que la supervision évoquée se passe dans l'établissement, avec un petit groupe de coachs internes. Et c'est une première séance de supervision ! Emma a le sentiment de jouer sa réputation interne et de mettre en danger son rôle de coach. Elle dira : "Je veux garder le poste" !

Ainsi nous n'avion pas compris le problème.

"Je n'arrive pas à ralentir" devient "J'ai peur d'une réputation qui me fasse perdre le poste"...

Les apports pour faire réfléchir

Est-ce que la consigne "Ralentis" n'est pas trop absolue, ignorant ce que chaque instant a de spécifique ?

Si tu ralentis souvent, ce ne sera plus "toi"

Ton objectif n'a t'il pas l'inconvénient de mettre tout dans le même sac ? Le perso et le pro - Le pro et le coaching

Si tu deviens "posée", tu vas attraper aussi les défauts des gens posés, non ?

Etre toujours posée en coaching, ça n'aurait pas des inconvénients ?

Quand tu sens ton impatience, ça peut être utile de te demander : est-ce embêtant si je ne réagis pas ?

Oui il y a sans doute un modèle de la posture de coaching : écoute, patience, bienveillance, disponibilité. Mais est-ce que ça ne frise pas le conformisme ?

Concernant ta réputation interne, irais-tu jusqu'à plaider pour les moments de vivacité ?

Tu veux progresser en coaching, donc tu écoutes et tu respectes ton superviseur. Mais si tu aboutis à te sentir nulle, n'y a t'il pas du tri à faire ?

Le retour de la cliente

Oui j'ai besoin de me sentir congruente, moi même sans forçage.

En fait en coaching je pense que je sais écouter et accompagner patiemment. J'ai eu peur, c'est vrai pour ma réputation, et peur du jugement du superviseur.

Je me sens plus libre par rapport à un message de conformité. D'ailleurs j'exagère le danger. Mais je vais mieux regarder l'enjeu particulier de chaque situation entre avancer ou faire plaisir.

J'ai moins peur du superviseur et de mes collègues.

(La cliente semble joyeuse et libérée)

Nos apprentissages

Nous n'avions pas le problème, c'est très embêtant

Nous n'avions pas regardé non plus le contexte du problème

Avoir des exemples, du concret, des boucles d'échange, est indispensable

Oui l'attente du client peut nous enfermer et l'enfermer lui aussi (noeud systémique)